Il y a plus haut que le grenier : le ciel et son rêve de vol, il y a plus profond que la cave : le souterrain et ses cauchemars ténébreux. La tête dans les étoiles, les pieds dans la boue. D'où viennent ces deux tendances opposées qui nous étirent ainsi de l'ombre au soleil ? De très loin, de nos origines célestes et terrestres. Pourquoi un tel attrait, captivant et angoissant à la fois, pour le monde du dessous ? Ces passages secrets, ces oubliettes, sont-ils le symbole de la naissance, de l'expulsion par la matrice maternelle, la terre fécondatrice de semence, nourricière de nos racines ? Ne représentent-ils pas le destin initiatique de la vie née de la glaise, pour mourir et finir en poussière, en passant par le caveau, le tombeau ? La région de Champagne rend encore plus forte cette image. Le vin qui semble mort dans les tonneaux, comment garde-t-il si longtemps son bouquet cueilli sur les coteaux, le soleil emprisonné dans sa force alcoolique, les couleurs du sang, des larmes, de la sueur, le sucre des fleurs ? Comment peut-il se remettre à "travailler", à palpiter, à pétiller naturellement à chaque printemps, ainsi reclus et aveuglé, hors du temps ?
"Descendons à la cave, comme au vieux temps, le bougeoir à la main. La trappe est un trou noir dans le plancher ; la nuit et la fraîcheur sont sous la maison. Que de fois dans les rêves, on reprendra cette descente dans une sorte de nuit murée !" (Bachelard, La terre et les rêveries du repos)
Avec Bachelard comme compagnon, lui le maître de cette philosophie vivante, vous ne remonterez pas indemne de cette descente au royaume des ombres. 300 caves visitées, toutes celles de la ville intra-muros, exceptées les non habitées et les rares interdites. Autant de fiches sur lesquelles figurent les dimensions, la nature des voûtes, le nombre de degrés des escaliers, les niches, les puits, les soupiraux, les passages murés, les particularités... Autant de croquis reportés ensuite sur les plans du cadastre, des centaines de photos d'ensemble et de détails.